PATANEGRA de Meryl Fortunat-Rossi (France / Belgique)

PATANEGRA de Meryl Fortunat- Rossi (France / Belgique)

2022 / Dix-neuf minutes et trente-six secondes / Comédie - Guerre - Fiction

Avec Tom Audenaert, Sergi Lopez

Production : Supermouche Productions, Solei Films, Wrong Men

Synopsis : 1938. Un an avant le début de la Seconde Guerre mondiale, la guerre d'Espagne touche à sa fin. Si la victoire des fascistes est inéluctable, rien ne saurait faire oublier l'héroïsme républicain de Tom, Paco et Patanegra, un cochon démineur de 320 kg.

Le réalisateur français Meryl Fortunat-Rossi a fait ses premiers pas en tant que co réalisateur au côté du belge Xavier Seron. Les deux compères ont reçu deux Magritte consécutifs pour les courts-métrages L’Ours noir et Le plombier, l’équivalent des César en Belgique. Si ce n’est pas une preuve de leur talent ça …

Meryl et Xavier, lorsqu’ils ne sont pas sur un même projet cinématographique, développent des projets plus personnels de leur côté respectif. Pour Xavier, un court-métrage Sprotch ainsi que son second long-métrage.

Pour Meryl, un documentaire La grande messe et son tout nouveau court-métrage Patanegra qui signifie en espagnol, "cochon noir", une race de porc ibérique.

Patanegra est une adaptation libre de la nouvelle Adieu Torero d’Olivier Deck dont il est le coscénariste avec Méryl Fortunat-Rossi.  Ils ont un peu remodelé l’histoire en remplaçant le journaliste français de la nouvelle par un charcutier Flamand accompagné d'un Polonais. C’est Méryl qui a désiré apporter une touche « belge » dans l’histoire (Il est le directeur du festival du cinéma belge de Garrigue qui se déroule chaque été) afin de dynamiser l’histoire. Qui plus est, Meryl avait un acteur en tête pour le rôle du belge pendant l’écriture : l’acteur flamand Tom Audenaert, qui avait joué dans le court-métrage Le plombier. Et pour le rôle de l’espagnol, le nom de Sergi Lopez est devenu comme évident (Le personnage lui colle à la peau ou bien c’est l’inverse).

Patanegra est un genre de huis-clos qui se déroule dans un trou, une sorte de tranchée où Paco, un soldat espagnol (Sergi Lopez) fait face à un ennemi fasciste (franquiste). Tom accompagné du polonais arrivent avec Patanegra, un cochon démineur. Tom lui dit que la guerre est terminée. Les deux soldats continuant à se tirer dessus sans avoir reçu l’information comme quoi la guerre était belle et bien terminée ! (L’ironie de la guerre).

Patanegra est une histoire tendre et émouvante autour des deux personnages. Le résistant espagnol et le flamand charcutier qui se rencontrent dans un milieu hostile à savourer du saucisson avec un couteau de torero. A l’instar d’un Laurel et Hardy, Patanegra a un côté burlesque emmené par Tom Audenaert. Le duo Lopez-Audenaert fonctionne à merveille. Un mélange de tonalité et d’accents assez prononcés. Le film joue sur cet échange de cultures. Et tout comme bon duo, il y a le dominant et le dominé.

Patanegra aurait pu sombrer dans l’ennui de voir deux types discuter dans un trou pendant une vingtaine de minutes  (Choix artistique et non économique de la part du réalisateur). Mais les riches échanges entre le flamand et l’espagnol vont développer de l’empathie envers les deux personnages. Le spectateur va apprendre un peu mieux à les connaître. L’espagnol est un ami qui veut du bien au flamand, à condition qu’il se mouille un peu la chemise en allant récupérer un pistolet et de l’eau en plein champs de bataille. Et en parlant de champs de bataille, les scènes de guerre sont vraiment de très bonnes factures (Les scènes avec les explosifs sont impressionnantes).

Patanegra est un film de genre sur fond de guerre et de forme western contemporain (Les gros plans sur les yeux sont non sans rappeler Le Bon, La brute et le truand de Sergio Leone). Il y a des plans magnifiques, signés par Kinan Massarani et Benjamin Vincent, accompagnés par des sifflements westerniens ou de la musique de Thomas Barrière (L’ours noir, Le plombier). Une musique de trompette, guitare et banjo, faisant penser à celle d’Ennio Morricone sans en être vraiment une. Le film transpire l’amour au genre western avec une touche émouvante et de belge attitude. Cela transpire d’émotion et c’est ce qu’il y a de plus beau dans le cinéma. L’émotion ! Les deux comédiens sont bluffant à l’image et apportent une dose de poésie.

C’était risqué de vouloir adapter ce genre d’histoire en film, en plus d’y ajouter un cochon de deux-cent cinquante kilos un peu incontrôlable et qui fait sa tête de cochon ! Et malgré cela, Meryl Fortunat-Rossi a réussi l’exercice plutôt brillamment ! Tout cela avec l’aide d’un ami qui vous veut du bien et d’un plombier avec des bons tuyaux ! Et oui, la réussite est en équipe.

Et rappelez-vous, tout est bon dans le cochon ! Patanegra en force !

Bonnes nouvelle ! Meryl et Xavier (en tant que co-scénariste) seraient sur de nouveaux projets: une adaptation d'un film argentin et une série des années 80 ... tout cela avec des blagues bien belge et avec la complicité d'un autre belge, Jean-Benoit Ugeux ! Pourvu que ça dur !

Mad Oliver