Salut Quarxx, ravi de se revoir après notre entrevue en 2017, lorsque tu étais en pré production du long-métrage Tous les Dieux du Ciel. Tout d’abord comment vas-tu ?
Je vais très bien. On continu à avancer, à faire son chemin.
Tous les Dieux du Ciel, ton premier long-métrage, est sorti en 2019. Avec ce petit recul, que penses-tu de cette expérience ?
Tous les Dieux du Ciel était mon premier-long métrage à être produit, sorti et véritablement diffusé. Cela a été une expérience hyper enrichissante évidemment à tout point de vue et vraiment très agréable pour moi, point de vue créatif. C’était aussi une expérience qui sur certains côtés, pouvait avoir un certain goût amer. C’était un combat, un vrai parcours du combattant pour pouvoir monter ce film, de le faire, de le produire et de le distribuer. Ce fut un gros succès critique, un très beau succès en festival, ainsi qu’en VOD. Après la distribution a été beaucoup plus compliquée.
Quand tu dis que c’était une expérience qui pouvait avoir un certain goût amer, c’était dû au financement du film?
Non pas du tout. Je ne dis pas que l’expérience en soit fut amer, loin de là. C’était une expérience géniale. Là où je mets un petit bémol, c’était sur la fin, sur la distribution en salles du film. Il n’y avait pas d’argent, les distributeurs étaient un peu froids, retissant. Ils disaient que le film était super et personne ne le voulait. Les exploitants de salles ne voulaient pas prendre de risque. Cela a été un petit peu difficile à avaler. Mais après, le film a eu un grand parcours. Beaucoup de monde l’on vu. La diffusion sur Canal aussi, a été très prolifique. Le film a été diffusé pendant le confinement (ndla : avril 2020) quand tout le monde était en recherche de contenus, de films. L’édition en DVD a bien marché. Globalement, cela reste une très bonne expérience.
Tu es un artiste multimédia, tu es réalisateur, artiste peintre et tu as suivi une formation de photographe. Quand tu peins, penses-tu à la réalisation et vice-versa ?
Oui, bien sûr. Il y a énormément de points communs. Je ne peins plus maintenant. J’ai été artiste peintre pendant une quinzaine d’années entre 1998 et 2012. Mais bien évidemment, je faisais une relation en parallèle, très proche, entre la création picturale dans la peinture et mon envie de cinéma, de réalisation. Je voulais dessiner avec la lumière en tant que peintre, et mettre en scène aussi des histoires. Je faisais l’apprentissage du cadre. Pour moi, la peinture a été une étape vers le cinéma, vers la réalisation. C’était une étape capitale pour moi.
Avec cette expérience du cadre, est-ce que les directeurs de photographies ont le champ libre ou bien est-ce que tu les guides sur une voie précise?
C’est marrant que tu parles de cela, parce que justement, hier, j’avais un rendez-vous avec un chef opérateur et cela ne s’est pas passé comme je le souhaitais. J’accepte la collaboration. Je suis en recherche d’avis différents, de pistes que je n’aurai pas moi-même forcément explorées. Après, je sais vraiment ce que je veux et je reste le décisionnaire. Et cela, certains chefs opérateurs ont du mal à l’accepter. Je ne suis pas du tout chef opérateur, je suis un artiste polyvalent et je sais de quoi je parle quand je parle d’un cadre, de lumière. Alors effectivement, il peut y avoir certaines petites tensions avec des chefs opérateurs, mais la plupart du temps, cela se passe très bien.
Tu viens de terminer ton nouveau court-métrage, Plus jamais possible. A l’instar de Nuit Noire (CM) et de Tous les Dieux du Ciel, le film est sombre, dérangeant et obsessionnel. On retrouve un peu de tout cela dans Plus Jamais Possible qui me fait également penser au point de départ de l’histoire de Tous les Dieux du Ciel. J’ai trouvé ces deux films assez proches en fait. Est-ce que je me trompe ?
C’est quand même différent. J’aime l’univers de la fuite dans l’imaginaire pour ne pas faire face à la réalité du quotidien. C’est un thème qui me tient à cœur. Et c’est un thème que je travaille en ce moment dans la création de mes scénarios. Il faut savoir que Plus Jamais Possible n’est pas un court-métrage en soi. C’est le premier épisode d’un long-métrage qui en comporte trois. On ne peut pas vraiment faire de distinguo entre l’histoire de cette femme à un moment donné qui va vivre avec le cadavre de sa fille comme un véritable lien avec Tous les Dieux du Ciel, parce que cela parle d’un sujet plus vaste. Je ne l’ai pas forcément vu comme cela, mais maintenant que tu le dis, évidemment, il doit y avoir un lien.
Tu viens de nous dévoiler une information intéressante au sujet de Plus Jamais Possible qui est le premier épisode d’un long-métrage qui aura comme titre Pandaemonium. Quel lien il y aura entre ces trois histoires ?
Les trois histoires ne sont pas liées entre elles d’une véritable façon. C’est trois histoires distinctes. Mais effectivement, elles sont liées entre elles par un thème général qui est l’instant t où ta vie t’échappe. Un moment de bascule, où les choses deviennent incontrôlables. Comme je l’ai déjà dit, c’est trois histoires et cet univers tout entier, traitent du fait de cette fuite, de l’échappatoire dans l’esprit dans un monde personnel qui va se créer lui-même pour s’affranchir de la réalité et de la dureté de la vie, dans différents types de situation, de destin.
La psychologie a une place importante dans tes films. On y retrouve des névroses, des obsessions.
Oui bien sûr. Je pense qu’un scénario retranscrit aussi un peu la personne que tu es. Tes fantasmes, tes névroses, tout ce que tu as derrière la tête. C’est aussi un geste psychanalytique. Ce n’est pas quelque chose qui s’analyse, c’est quelque chose qui vient naturellement et toi-même tu découvres en tant qu’auteur, ton propre univers mental que tu façonnes au fur et à mesure des années qui passent et des projets.
Revenons à Plus Jamais Possible où la photographie est magnifique. Certains plans sont proches de tableaux. Et en parlant de tableaux, tu t’en sers dans le film pour chapitrer l’histoire. De qui sont ces tableaux ? Existaient-ils avant le film ou bien ont-ils été spécialement conçus pour le film ?
Non, ils ont été faits pour le film. C’est une artiste (Dongni Hou), une amie à moi. Pour moi, c’est l’une des plus grandes artistes que j’ai rencontré dans ma vie. On aime beaucoup nos univers réciproques, on aime travailler ensemble. On aime mélanger nos univers et elle m’a fait l’immense honneur de réaliser plusieurs toiles inspirées directement du film.
Les deux actrices principales du film sont impressionnantes. Ophélia Kolb, dans le rôle de la mère qui n’accepte pas la mort de sa fille. Elle est omniprésente et porte le film sur ses épaules. Sidwell Weber qui interprète la fille, a un rôle très particulier. Je sais que tu prépares beaucoup en amont de la réalisation ce qui te permet de ne pas perdre de temps en réalisation (Six jours pour PJP). Comment as-tu préparé les deux actrices ? Avais-tu des références en tête ?
Le casting comme d’habitude est un processus extrêmement long, méticuleux et a son importance capitale. Je voulais faire un film de femmes, un film délicat et cauchemardesque. Je voulais véritablement trouver cette alchimie entre ces deux comédiennes, cette mère et cette fille. Une mère complètement désespérée, névrosée, faisant face à la mort de sa fille. Sa fille arrivant à dégager toute cette émotion et cette tristesse qu’elle a en elle. Puis interpréter un cadavre, ce n’est pas simple. On a vu beaucoup de comédiennes. L’alchimie c’est mise en place entre elles, assez rapidement.
Le harcèlement scolaire est un des thèmes du film. Est-ce quelque chose qui te tient à cœur ? Comment ce sujet a été amené dans le scénario ?
Le harcèlement scolaire est un moment dramatique pour ceux qui le vivent mais ce n’est pas à proprement parlé un film sur le harcèlement scolaire. C’est un film sur l’impossibilité de faire le deuil. Les causes de ce refus de deuil.
Le court-métrage est produit par Transgressive Production (Boîte de coproduction de Tous les dieux du ciel). Est-ce ta boîte de production ?
Non, je fais effectivement parti de cette boîte. Nous sommes trois associés. Je ne devrais pas faire de court-métrage, je devrais faire un autre long. Mon véritablement long-métrage (Cette Chose en Moi) est en développement en ce moment avec une chaine de télé et le CNC, cela prend un temps innommable, je ne peux pas rester assis dans l’immobilisme comme cela. Je pense que l’attente se transforme en peur, en frustration et je trouve cela très dangereux. Donc on est parti sur l’auto financement des deux premiers épisodes de mon prochain long qui est Pandaemonium et ensuite on le proposera au marché du film à Frontières. L’autre projet, Cette Chose en Moi est un projet plus classique en termes de production. Il n’y a pas d’auto production sur celui-là.
Pour terminer, lors de notre dernière entrevue, tu t’étais prêtés au jeu de la citation de tes trois réalisateurs préférés. Tu as cité Darren Aronofsky, Gaspar Noé et David Lynch, avant d’en balancer d’autres par la suite. Sont-ils toujours les trois favoris ?
C’est mon Mainstream à moi. Tu as toujours envie de sortir des noms underground, que personne ne connaît, mais cela n’arrive jamais et cela revient toujours après que l’on te l’ait demandé. Je n’aime pas avoir les meilleurs réalisateurs, ou les meilleurs films. Je préfère, les meilleures œuvres, les choses qui me touchent, qui me plaisent à l’instant t. Je n’aime pas le fanatisme dans le sens étymologiste du terme, le côté être fan. Je pense que les personnes sont changeantes, les personnes sont évolutives. On n’est jamais la même personne tout au long de sa vie. J’aime les univers qui sortent de l’ordinaire, les gens qui proposent autre chose, qui voient les choses d’une façon différente, qui sortent du cadre. Il y a des réalisateurs qui me donnent vraiment des orgasmes artistiques, émotionnels sur certaines œuvres et puis qui me déçoivent énormément sur une prochaine. C’est de l’émotion, de la sensibilité. Je n’aime pas les choses définitives. Même si j’aime les mêmes aujourd’hui, peut-être que l’année prochaine, je ne les aimerai plus. J’aime que les choses soient constamment en mouvement, en changement. Mais les noms que tu as cités, je les respecte énormément.
Je souhaite un succès bien mérité à hauteur de Un Ciel Bleu Presque Parfait à Plus Jamais Possible, que je trouve plus abouti. Trente minutes intenses qui nous plongent dans un univers sombre et obsessionnel. C’est un bijou de perfection. Un diamant brut. On lui souhaite tous les vertiges du possible !
Merci Olivier, si tout le monde avait le même point de vue artistique sur mon travail, cela me ferait plaisir. Je te remercie beaucoup, de ton enthousiasme, de ton intérêt pour mon travail déjà depuis de nombreuses années.
Olivier H.