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Le blog du cinema d' Olivier H

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Blog spécialisé sur les Festivals Internationaux de Films Fantastiques comme Fantastic'Arts, FantasPorto, BIFFF, AIFFF, Mauvais Genre, Cannes, NIFFF, Fantasia, PiFan, Deauville, L'Etrange Festival, FEFFS, La Samain, Trieste, Razor Reel, Les Utopiales, PIFFF ...


Rencontre avec le réalisateur Fabio Soares

Publié par lecinemadolivierh sur 12 Novembre 2017, 16:58pm

Catégories : #Itw, #Fabio Soares, #I Will Crush You & Go to Hell, #Bitch, Popcorn & Blood, #Junsiska, #Woman With no Name, #Bernie Bonvoisin, #Arben Bajraktaraj, #Célia Paysan, #Mike Zonnenberg, #Renaud Lissowski, #Brice Durot, #Lise Gardo

Rencontre avec le réalisateur Fabio Soares

Rencontre avec le réalisateur Fabio Soares :

 

1 / Fabio, peux-tu te présenter brièvement ? As-tu suivi un cursus universitaire dans le cinéma ?

Difficile de se présenter en quelques lignes. Je m’appelle Fabio Soares et je vis actuellement à Paris. J’ai deux grandes passions dans la vie : le design et le cinéma. Quand j’étais adolescent, ma chambre était recouverte d’affiches de cinéma : les murs, la porte, même le plafond… il y en avait une cinquantaine. Ça m’a toujours fasciné et rendu heureux. Les affiches de cinéma ont ce pouvoir de me transporter instantanément.

Le soir je m’endormais avec le poster de Fight Club au-dessus de ma tête et le matin je me réveillais devant l’affiche grand format de l’Exorciste : une sublime photo noir et blanc où le protagoniste, depuis le trottoir, baigne dans une lumière émise à travers la fenêtre d’une chambre.

J’étais trop fauché pour aller au cinéma. Du coup, avec mon frère Miguel, on s’était pris un pass illimité au vidéo club du coin. Je dévorais des films tous les week-ends et de mémoire, j’ai passé que des bons moments : mêmes les « mauvais » films m’apportaient quelque chose.

Plus tard, j’ai fait des études d’Art. Je cumulais les petits boulots l’été et avec mes premières économies je me suis acheté un caméscope bon marché. À cette époque cela coutait cher et l’image était médiocre, mais qu’importe, je réalisais mon premier film maison.

Ensuite, j’ai travaillé une douzaine d’années en tant que Directeur Artistique en communication. Puis, il y a quelques années, je suis revenu à mes premiers amours en réalisant mon premier « vrai » film : un western avec Bernie Bonvoisin.

Aujourd’hui j’ai la chance de vivre de mes passions : le design et le cinéma.

Je n’ai pas suivi de cursus cinéma universitaire. Sur mon premier film, le casting était incroyable : il y avait notamment Bernie Bonvoisin (Chanteur du groupe Trust et à l'affiche dans Laissez Bronzer les Cadavres) qui a réalisé un de mes films préféré - Les Démons de Jésus - et Arben Bajraktaraj qui sortait d’un nouvel épisode d’Harry Potter. N’étant pas formé, la peur de « ne pas savoir faire » est apparue, surtout qu’on avait très peu de moyen. Le tournage s’est très bien passé. L’expérience a plu aux comédiens car je n’étais pas formaté. Cela m’a fait comprendre qu’il ne fallait surtout pas rentrer dans le moule et suivre ma propre voie.

 

2 / Tes deux derniers courts-métrages Bitch, Popcorn & Blood (104 sélections et 33 prix en festivals) et le récent I Will Crush You & Go to Hell ont été coécrit. Comment se sont fait ces deux collaborations ?

J’aime co-créer. Cela te fait sortir de ta zone de confort et réaliser des choses que tu n’aurais jamais envisagées autrement. Mon premier film était également une co-écriture, avec Renaud Lissowski et Brice Durot, deux amis cinéphiles. Cela s’est toujours très bien passé.

Sur Bitch, Popcorn & Blood, Mike Zonnenberg et moi avions une culture cinématographie commune mais des univers différents, c’était très intéressant de créer ensemble et je pense que le résultat est un juste croisement de nos deux approches : drôle, pop et sanglant.

Avec Célia Paysan, sur I Will Crush You & Go To Hell, c’était différent. On a exactement les mêmes goûts et le même univers. Je ne pensais même pas que cela était possible tant mes goûts sont incohérents, voire exotiques… Elle n’avait jamais fait de cinéma, mais cette rencontre m’a intrigué et je lui ai proposé de rejoindre l’aventure très tôt. C’est simple : nous étions toujours d’accord. Cela ne nous a pas empêché de galérer sur l’écriture de certaines parties du script mais à l’arrivée ça a été un grand plaisir. Certaines personnes essayent de deviner qui a écrit quoi… co-créer ce n’est pas faire des compromis en accumulant les idées de chacun, co-créer c’est se mettre au service d’un projet commun et c’est ce que nous avons fait.

 

3 / On retrouve un thème récurrent dans les deux courts, celui de la relation homme-femme, où l’homme est macho (Jochen Hägele dans le 1er et Mike Dopud dans le 2nd) et la femme aussi bien représentée comme fragile (Lisa  Gardo dans les deux) que fatale (Jane Badler dans le 1er et Petra Silander dans le 2nd). Il y a toujours une femme plus forte pour épauler la plus faible et le protagoniste masculin s’y retrouve perdant à tous les coups. Est-ce un thème cher ?

Je ne sais pas. Mon écriture est spontanée, je ne m’impose rien. Les rôles féminins m’inspirent. J’aime l’idée de personnages repoussés dans leurs retranchements et contraints de se révéler, seuls, face à l’adversité. La condition féminine, hélas, permet d’explorer cette voie : notre modèle de société impose aux femmes, de gré ou de force, un combat déséquilibré au sens propre comme au sens figuré.

Malgré moi, aujourd’hui je me retrouve dans ce combat. Un producteur m’a récemment dit « Je peux produire ton film, mais avec un budget deux fois moins élevé que mes autres productions. Les financements sont plus durs à obtenir pour des films dont les rôles principaux sont féminins car plus difficiles à diffuser. ». Je ne lui en veux pas, il ne décide pas des sommes qu’il peut réunir, mais cette constatation fait mal à entendre.

Les rôles féminins sont tellement clichés et au cinéma, c’est exaspérant. Ils sont peu nombreux et sur le peu qu’il reste, beaucoup tournent autour d’histoires d’hommes, c’est triste... Aujourd’hui je comprends mieux pourquoi on en est arrivé là, mais je ne changerai pas mes univers pour autant.

La violence faite aux femmes est quotidienne - et même acceptée - dans notre monde, mais il est plus facile de rire en matant des scènes ultra gores que de parler de certains sujets. Bitch, Popcorn & Blood est souvent sélectionné en festivals dans la catégorie « Tous Publics » tandis que I Will Crush You & Go To Hell est interdit aux moins de 16 ans, voire 18 ans.

On a la société qu’on mérite.

 

4 / D’où est venue l’idée de départ de I Will Crush You & Go to Hell ?

Ado, Faster Pussycat! Kill! Kill! de Russ Meyer a été une révélation. Les années 60, les road movie, l’indépendance, la révélation de soi… beaucoup de thèmes qui me sont devenus chers plus tard.

La première monture de I Will Crush You & Go To Hell était beaucoup plus violente et second degré, puis Célia Paysan est arrivée sur le projet. Les thèmes de la décadence et de la liberté sont restés et ont été notre fil conducteur, mais naturellement notre écriture s’est portée sur un lien plus profond entre les personnages que nous voulions explorer. La violence psychologique a peu à peu remplacé la violence physique, pour aboutir à quelque chose que je trouve plus fort. Le voyage de Louise et Colorado Fox est alors devenu une quête de soi, où se perdre et se trouver forment parfois un seul et même parcours.

On a écrit les personnages de Louise et Colorado comme les sœurs qu’on aurait aimé avoir. C’est peut-être pour ça qu’on s’y est autant attachés. Il y a également un peu de nous-mêmes, même si tout cela reste fictif.

 

5 / Est-ce que l’écriture du scénario a été rédigée dès le début dans l’optique d’en faire un long-métrage ? La version courte est-elle en quelque sorte un « proof of concept » ?

Tout à fait, c’est un « proof of concept », sous forme de long teaser. Dès le départ le but était d’écrire un long-métrage. Nous avons commencé l’écriture vers septembre 2015. Tout se passait très bien et le but était d’écrire un script complet, ce qui est déjà un sacré challenge.

Puis les évènements du 13 novembre 2015 sont passés par là. J’y ai perdu quelqu’un qui représentait beaucoup de choses pour moi. Lise Gardo est alors revenue des Etats-Unis pour les funérailles, on était entre tristesse et incompréhension, c’était surréaliste. Tout peut s’arrêter demain, sans prévenir. C’est bête à dire, mais c’est vrai.

Un long-métrage, cela peut mettre 5 ans à se faire, voire 10 ou même jamais. On a parlé du scénario et on s’est dit qu’on n’allait pas attendre qu’un producteur veuille bien se réveiller un jour, qu’il fallait en tourner un bout nous-même, là tout de suite. Voilà comment a démarré le projet du teaser : sans préparation, sans production, ni casting, mais avec l’envie de donner vie à cet univers.

 

6 / Où en est la recherche du financement du film ?

Pour l’instant le teaser a reçu 27 récompenses en festival à l’étranger ! La revue de presse est également excellente à l’internationale. Tout ce qui se passe est fantastique. Les critiques en France se comptent sur les doigts d’une main hélas, mais je vois le positif et l’accueil reçus un peu partout et c’est incroyable à voir. Je reviens d’une première à Stuttgart et je vais prochainement présenter le film à Toronto puis à Turin.

Le script du long-métrage a été traduit en américain, à L.A., via un crowdfunfing. Cette étape était très importante : la qualité du mot est la matière brute du script. Cela permet d’avancer sur le continent Nord-Américain où le teaser connaît un beau succès.

Je profite de cette visibilité pour rencontrer des producteurs, mais faire un film est un projet qui se construit sur la durée. Des sommes importantes sont en jeu autour d’un projet artistique sur lequel il faut échanger. Tout cela prend du temps, il faut être patient et persévérant !

 

7/ Tu as créé ta propre maison de production qui est Bacon & Cheese Movies. L’as-tu utilisée pour produire d’autres courts que les tiens ?

Non, c’est une entité légale afin de pouvoir produire mes films et conserver une liberté artistique totale dans mes projets. N’ayant pas la fibre d’un producteur, je ne souhaite à personne d’être produit par moi-même !

 

8/ La musique a une place assez importante dans tes films, peux-tu nous parler du groupe Junsiska qui a composé la musique des deux courts ?

J’ai rencontré Diana - la chanteuse du groupe allemand Junksista - il y a longtemps déjà, un peu par hasard. Puis j’ai réalisé leurs premiers clips musicaux. Le feeling est tout de suite très bien passé. Quelques années plus tard ils ont fait la BO de mon premier film (Woman with no Name), en passant de leur univers électro-rock à une musique de western avec une facilité déconcertante. Le résultat était une merveille.

L’aventure continue depuis avec deux autres BO : l’une sortie sur vinyle et l’autre réalisée par leur label. J’ai une chance inestimable de travailler avec Diana et Jürgen, leurs compositions sont magnifiques. Ils créent sans voir le film, on échange sur l’univers et à chaque fois le premier jet est parfait. La musique colle sur mesure au film et l’emmène même bien plus loin.

Je vais souvent les voir en Allemagne et on travaille ensemble sur d’autres projets que j’espère tout aussi passionnant !

 

9 / Assumes-tu les références à Quentin Tarantino et Robert Rodriguez pour Bitch, Popcorn & Blood, ainsi que Thelma & Louise de Ridley Scott pour I Will You Crush & Go to Hell ?

La comparaison est évidemment flatteuse et je la reçois avec le plus grand respect dû aux cinéastes cités, mais ça fait bien longtemps que je n’ai pas vu un Tarantino ou apprécié un Ridley Scott ! J’aime la pop culture, les road movie des années 60, les westerns, les Chambara (films de sabres japonais), le cinéma d’horreur et d’action des années 80 (injustement résumé sous l’étiquette Grindhouse), Kubrick, le cinéma japonais dans son ensemble… Mais je n’ai pas attendu Kill Bill pour découvrir La Femme Scorpion ou Lady Snowblood.

Il y a tellement peu de rôles féminins qui ne tournent pas autour d’une histoire d’amour, très vite on t’étiquette. Une fille avec un flingue : c’est du Tarantino. Pulp Fiction est un film que j’ai adoré, ainsi que les premières œuvres de ce cinéaste, mais la référence s’arrête là. Je construis mes univers sans me poser cette question.

Après Bitch, Popcorn & Blood, une chaine de télé m’avait contacté pour une mini-série « à la Tarantino ». Je leur ai répondu qu’ils n’auraient probablement pas ça : ce n’est pas une question d’envie, mais je ne prémédite pas mon écriture. Ils étaient déçus mais c’est sans regret. On dit que les copies sont moins bonnes que les originaux et si un jour j’essaie de ressembler à quelqu’un, je serai juste une vague parodie sans saveur, ni fond.

Pour I Will Crush You & Go To Hell la référence citée est sans doute plus juste, même si le teaser ne représente pas tout l’esprit du long-métrage, qui se révèle beaucoup plus pop et inattendu sur sa forme. Avec Célia nous avons beaucoup d’inspirations en commun, dont certaines très surprenantes, et j’espère qu’un jour vous pourrez découvrir le film en entier !
 

10/ Quels sont tes trois réalisateurs fétiches ?

David Lynch, Takeshi Kitano, Sofia Coppola et Stanley Kubrick. Désolé, j’en ai cité quatre !

 

11 / Tes trois films cultes ?

Il y en a tellement… Le Bon, La Brute et le Truand a une saveur particulière. Il me rappelle mes premiers films que je regardais avec mon père à la maison et le revoir, même quelques minutes, m’émerveille toujours autant : je retrouve le cinéphile et l’enfant qui est en moi. Au risque de paraître vieux jeu, on ne fait plus de films comme ça.

Ghost in the Shell a peut-être été le premier coup de foudre pour le Japon. Il m’a aussi fait réaliser qu’un animé pouvait être plus profond que bien des films. La série, issue des films, est quant à elle un véritable chef d’œuvre tant sur sa construction que sur sa réalisation.

Enfin, Thelma & Louise. J’ai dû le voir 8 fois et pleurer autant de fois à la fin. La simplicité de la relation entre les deux personnages principaux me touche particulièrement. Le film n’est pas tape à l’œil mais va droit à l’essentiel : l’amour et la liberté, deux thèmes qui me sont chers.

 

Merci Fabio.

Filmographie :

  • Woman with no Name (CM 2013 )
  • Bitch, Popcorn & Blood (CM – 2014 )
  • I Will Crush You & Go to Hell (CM 2016)

 

Mad Olive

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