THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat (Etats-Unis / France)
Date de sortie en salles en France le 6 novembre 2024
Durée : 2h21 / Genre : fantastique - horreur
Avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid
Productions: Mubi, Working Title Films, A Good Story
Distributions: Metropolitan FilmExport
Synopsis : Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? Vous devriez essayer ce nouveau produit : THE SUBSTANCE
The Substance est le second long-métrage de la réalisatrice française Coralie Fargeat qui s’est fait connaître avec son premier film Revenge, un « rape and revenge » testostéroné à la sauce américaine. On y voyait une jeune « bimbo » torturée et violée qui ressuscite des morts et qui est assoiffée de vengeance. Un film ultra violent, féministe et anti-machos.
Après cette première mise en bouche, on attendait de voir ce que Coralie Fargeat allait nous servir en plat de résistance. Est-ce qu’il va être lourd à digérer ? Va-t-il être savoureux ? Son test gustatif auprès de grands chefs, s’est fait en avant-première mondiale au festival de Cannes où le film a remporté le prix du meilleur scénario ! (Prix du meilleur menu en quelque sorte). Depuis, The Substance a également remporté le grand prix du meilleur film au 1er festival Mauvais Tours.
The Substance est d’un tout autre registre que celui de Revenge. La réalisatrice Coralie Fargeat accouche d’un film génétiquement modifiable. La toute première scène, celle de l’œuf, annonce la couleur ou plutôt le thème du film qui est centré sur la génétique. Un domaine de prédilection d’un certain David Cronenberg (La Mouche) ou encore Julia Ducournau avec son Titane. Cette dernière ayant ouvert la porte aux Monstres au festival de Cannes à notre plus grand plaisir! (Il a dû y avoir du beau monde qui a dû quitter la projection de The Substance). Coralie se frotte aux grands réalisateurs avec The Substance. C’est un exercice périlleux et non sans danger comme le produit du film The Substance. Mais alors, a-t-elle réussie son entrée dans la cour des grands ?
Elizabeth Sparkle, joliment interprétée sans fard par Demi Moore, est sur le déclin. Elle a vécue ses moments de gloire dans sa jeunesse avec son étoile de star sur le boulevard Hollywood (Etoile que l’on verra s’abimer, s’user, prendre des rides au fil du temps à l’image de l’actrice). Son portrait est affiché partout, sur des énormes panneaux publicitaires (dont un juste en face de la grande baie vitrée de son appartement luxueux), dans les couloirs de la maison de production où elle travaille comme coach de fitness sur l’air de Pump it up. Mais voilà, elle vient d’avoir la cinquantaine et son patron (Dennis Quaid) lui fait comprendre, sans prendre de pincettes, qu’elle ne fait plus bander l’audimat. Que l’audimat et les actionnaires veulent du neuf, des fesses bien fermes, de jolies jeunes femmes souriantes avec ce qu’il faut où il faut. On est bien dans le capitalisme à outrage où l’on consomme et l’on jette sans remord. Mais suite à un accident de voiture, un infirmier va lui glisser une clef usb dans la poche de sa veste. Cette clé contient une démonstration d'un produit qui corrige vos défauts pour être plus parfait. Pour cela, il suffit de s’injecter un produit fluorescent, The Substance, dans les veines. Le produit a les capacités de créer un second vous, mais qui ne fait qu’un avec vous (c’est important), un peu comme 1+1 donne 1. Où chaque moi (on est un brin dans la psychologie) a sa semaine de garde pendant que l’autre roupille alimentée sous perfusion dans la salle de bain. Une semaine sur deux, Elizabeth est la « vieille » Elizabeth et l’autre semaine Elizabeth est la jeune et sensuelle Sue. Vous suivez ? Pendant une semaine Elizabeth reste enfermée chez elle devant son poste de télévision et pendant l’autre semaine, Sue est de l’autre côté de l’écran.
The Substance est composé de trois chapitres : le premier étant Elizabeth, le second Sue et le troisième le monstre Elizasue. Le film est truffé de références cinématographiques des années 80 (Gros clin d’œil à Shining, Elephant Man, Réanimator, The Sorcerer, Carrie ou encore The Society pour ne citer qu’eux). C’est en quelque sorte un Ready Player One en Freaks ! Et merci, oh merci Coralie d’avoir revisité les effets spéciaux de ces années avec les prothèses en latex et de ne pas avoir recouru aux CGI (effets spéciaux numériques). The Substance est un film avec une photographie léchée et colorée des années 2000 et ayant des effets spéciaux des années 80. Une contradiction temporelle à l’image de Sue et d’Elizabeth.
Côté casting, l’actrice Demi Moore est excellente dans son rôle qui pourrait être le reflet de son histoire. Margaret Qualley est impressionnante. Elle bouffe l’écran avec son charme et sa sensualité (Les scènes de fitness et le « Sue » qu’elle prononce!). Et que dire de Dennis Quaid si ce n’est qu’il interprète magnifiquement ces dégénérés qui ne vivent que pour l’audimat et pour faire plaisir aux actionnaires (sic !). La première séquence où l’on le voit aux toilettes campe direct le personnage. Ce n’est pas un problème pour les vieux dirigeants de prendre de l’âge à contrario des femmes. Ils peuvent rester à leur poste tandis que les femmes se voient déchues. Un casting trois étoiles très bien interprété.
The Substance a également un gros travail sur le « sound design » qui est pratiquement un personnage à part entière dans le film (Les bruits de bouche de Dennis Quaid au restaurant). Ainsi que des sons accentués vers les basses comme pour souligner la gravité du sujet.
The Substance souffre de quelques longueurs vers la moitié du film pour ensuite embarquer le spectateur dans un « roller coaster » ayant plusieurs « looping » renversant. Le film ne semble pas se mettre des limites et il va assez loin. Le spectateur assiste à la naissance d’un monstre créé par la société contemporaine axée autour de la beauté féminine par excellence. Zéro défaut. Mais à quel prix ? Quel sacrifice ? The Substance plonge le spectateur dans ce que l’on appelle le « Body horror ». La fin du film est "trash", sanglante et subversive. Le film à l’instar de Revenge est également féministe.
The Substance est ce genre de film où l’on pourrait parler, écrire pendant des heures tellement il est riche en thématiques et en références. Pour votre rédacteur, le film est une réussite et certaines scènes restent gravées dans les rétines. Un pur plaisir cinématographique et une réalisatrice de talent. Coralie Fargeat signant la réalisation, le scénario ainsi que le montage du film !
Mad Oliver