LA NUÉE - Bande-annonce officielle - Le 16 juin au cinéma
LA NUÉE - Au cinéma le 16 juin.Réalisé par Just PhilippotAvec Suliane Brahim et Sofiane KhammesScénario de Jérôme Genevray et Franck VictorD'après une idée o...
La Nuée de Just Philippot (France)
Année : 2021
Genre : drame fantastique
Durée : 100 minutes
Avec Suliane Brahim (Comédie-Française), Sofian Khammes, Marie Narbonne, Raphaël Romand
Caprici Films et The Jokers Films, Wild Bunch, Arte, Canal+, Ciné+
Pitch : Pour sauver sa ferme de la faillite, une mère de famille célibataire se lance dans un élevage de sauterelles comestibles risqué et développe avec elles un étrange lien obsessionnel. Elle doit faire face à l’hostilité des paysans de la région et de ses enfants qui ne la reconnaissent plus.
La Nuée est le premier long-métrage du jeune réalisateur français Just Philippot (Oui, Just c’est son prénom). Depuis une sortie annoncée en novembre 2020 repoussée dû à la saloperie de Covid19, le film est dans la longue file d’attente des films qui attendent une sortie en bonne et due forme dans les salles obscures, car ils le valent bien. Depuis, le film fait son buzz à travers les projections de presse ainsi que dans les sélections en festivals, dont la très récente au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer où il est reparti avec pas moins de deux prix (Prix de la Critique et le fameux Prix du Public). Et le buzz est assez bon même s’il n’a pas l’unanimité.
Commençons par la genèse … l’écriture du scénario par Jérôme Genevray et Franck Victor, d'après une idée originale de Jérôme Genevray, qui est également réalisateur de quelques courts-métrages, dont votre serviteur va essayer de vous en parler dans un futur lointain ou pas. Une écriture qui a pris son temps, afin de poser des fondations solides à l’histoire (et ça l’est).
C’est donc une très belle et bonne opportunité, si je peux le dire ainsi, pour le premier-long métrage de Just Philippot d’avoir un scénario à ce niveau. Mais le scénario ne fait pas tout, hein ? Il y a aussi les acteurs, les décors, la mise en scène, le montage, la musique et Just Philippot a su s’entourer de personnes apparemment talentueuses.
Dans La Nuée, toi spectateur, tu vas suivre une mère de famille veuve (Sublime Suliane Brahim) qui élève ses deux enfants en essayant de finir les fins de mois avec un peu de rayons de soleil dans sa ferme agricole d’élevage de sauterelles qui seront par la suite transformées en farine alimentaire pour d’autres bestioles. Mais voilà, quand la production est plutôt maigre, le retour sur investissement n’est pas très rentable même avec l’aide d’un ami viticulteur (Sofian Khammes, parfait). Les sauterelles sont plutôt paresseuses et ne se reproduisent pas assez vite jusqu’à ce qu’il arrive un événement accidentel qui va faire évoluer exponentiellement la reproductivité des sauterelles qui de surplus vont devenir plus grosses.
Dans sa première moitié, La Nuée est un drame rural qui bascule ensuite dans le fantastique horrifique obsessionnel.
Les protagonistes sont montrés en gros plans, cadre très serré sur les visages à l’instar des sauterelles qui sont vues en macroscopie (Une photographie de Romain Carcanade délicate et superbe). Il n’y a pas vraiment de fuite pour toi spectateur prit au piège du cadre. J’ai trouvé certains raccords assez bruts, hachés qui je présume sont faits pour ressentir plus frontalement ce que l’on voit à travers le prisme du cadre. Une forme documentaire ...
Côtés acteurs, il y a du lourd. A commencer par Suliane Brahim qui porte le film sur ses épaules (le film tournant autour de son personnage, normal). Son interprétation est plus que réussie. Entre délicatesse, désespoir, espoir … Et la « petite » Marie Narbonne, qui joue la fille, est tout simplement surprenante de talents. Et puis il y a aussi les personnages secondaires, le viticulteur ami, Sofian Khammes, qui avait déjà collaboré avec Just Philippot dans son court-métrage Acide, le vieux voisin avec son chien (qui a tout son intérêt dans l’histoire du film) et Stéphan Castang dans le rôle d’un éleveur de poules.
La musique de Vincent Cahay est également superbe, aussi bien pour accompagner les moments dramatiques que ceux fantastiques de la seconde partie.
Le film à l’instar de Petit Paysan de Hubert Charuel, auquel il est souvent comparé à juste titre pour le côté rural, montre le milieu assez difficile et dur de l’agriculture où les personnes du métier se retrouvent un peu seules faces à un capitalisme antipathique. Peut-être même encore plus lorsque l’on est une femme ? (Le choix est plus que judicieux et renforce ce côté isolé sans soutien extérieur). Les exploitants sacrifient tout, de leur santé à leur famille pour juste réussir à sortir la tête de l’eau quand ils y arrivent. Ils le paient avec le prix de leurs sangs littéralement. Un métier où il faut être passionné à défaut d’être masochiste. La dramaturgie du film vient de là. Jusqu’où pouvons-nous aller pour s’en sortir et à quel prix ? Où sont les limites de l’éthique, de la moralité ? De l’humain, de l’inhumain ? Ces questions étaient partiellement présentes dans un autre film cette fois-ci bien fantastique dont peut-être comparé La Nuée, c’est Isolation de l’irlandais Billy O'Brien.
La Nuée est un très beau et bon premier long-métrage fantastique rural. Un genre de conte cruel sur l’agriculture. Entre l’élevage de sauterelles et la viticulture, rien ne fonctionne à merveille. Certaines scènes perdent un peu de la dynamique du film, mais elles sont nécessaires pour développer les personnages (peut-être pas assez finalement?), et la fin est percutante, même si elle est discutable. Je l’ai trouvée plutôt assez bien réussie (Très bon travail du superviseur des effets spéciaux Antoine Moulineau). On sort du film lessivé, éprouvé, bouleversé.
La Nuée n’est pas qu’un film rural et fantastique, c’est aussi un film sur l’environnement, sur l’écologie, sur les ressources naturelles de la planète, sur notre alimentation, sur le capitalisme, sur la vie professionnelle et privée. Just Philippot a su digérer ses références cinématographiques pour en faire un film atypique, bien construit avec une intrigue qui monte crescendo.
« Je voulais raconter une histoire en tant que parent, à savoir comment arrive-t-on à arbitrer entre notre besoin de travailler pour nous accomplir et l’amour nécessaire et le temps que l’on doit à nos enfants. C’est ça le point de départ de La Nuée. » - Jérôme Genevray.
Olivier H. (Merci à Mensch Agency)